Bocacalle

CROISEMENT
 
Une vision électrique s’ouvre à notre esprit,
Une route vers le sud de notre corps
Peuplée de craintes sans porte.
Notre torse passe à grand-peine,
Il entraîne nos rêves d'outre-tombe
Vers le monde sec de l’ombilic –
Floraison atrophiée par des verrous,
Échos qui ne s’estompent pas.
 
Troublés, nous huons cette vision,
Image énigmatique de notre vivacité mortelle,
Elle qui envahit nos sens
Là où nous courons derrière des idées et des formes
Qui ne se dissipent pas, mais nous changent en fibre cérébrale –
Nul point cardinal pour fixer l’endroit de notre croisement
Vers un but nouveau, vers d'autres interrogations.
 

Notre engagement a suffi et, avec un sourire amer,
Nous tournons autour de nous les yeux fermés ;
La lumière fluorescente de notre conscience
S’abîme avec nos postures quotidiennes inadéquates
Ou bien clignote comme la lueur d’une lanterne branlante.
 
Avec des spasmes peu visibles, avec un amour atroce,
Nous manipulons la course des heures de notre horloge,
Dans des cas exceptionnels, nous faisons intervenir un objet précieux,

Nous le contraignons à des tâches insatiables
Où nos pensées,
Dans un mouvement qui jamais ne s’arrête,
Bloquent la mort qui nous guette

Ou lui infligent un coup mortel
Dans les transports publics,
Dans les strates sans fin de l’'attente,
Dans la brise ou dans le lit.
 
Le temps tortueux relit notre temps effaçable
Et marque de cicatrices transversales
La boussole de notre rythme
Sans faire de contretemps ;
 
Et nous, passants, nous vivons dans des tanières sans lune, dans des visions     spectrales,
Dans des fibres qui s'étirent et font couler dans notre souffle
Nos origines et notre propre nom,
Ou bien pendant de longues heures de soif sans issue,
Nous sapons nos transes avec des concepts étonnants.
Nous faisons des rondes avec des miroirs
Où dansent et se dénudent les racines de visages inconnus.
 
Nous inclinons la pulpe de nos lèvres vers l’herbe sainte qui,
Dans la cadence solaire de son essence,
Rachète le temps trahi
Où le cœur saignant de la justice
Laisse s’infiltrer notre indifférence et notre apathie